Sans travaux de rénovation énergétique, près d'un logement francilien sur deux bientôt interdit à la location
EN ÎLE-DE-FRANCE, EN 2018, 2,3 MILLIONS DE RÉSIDENCES PRINCIPALES ONT UN DIAGNOSTIC DE PERFORMANCE ÉNERGÉTIQUE CLASSÉ E, F OU G, SOIT 45 % DU PARC FRANCILIEN DE RÉSIDENCES PRINCIPALES. CES LOGEMENTS, DIRECTEMENT CONCERNÉS PAR LA LOI CLIMAT ET RÉSILIENCE, POURRAIENT ÊTRE SOUMIS À DES INTERDICTIONS QUANT À LEUR LOCATION, SANS RÉNOVATION. CES INTERDICTIONS ENTRERONT PROGRESSIVEMENT EN VIGUEUR, EN FONCTION DE L’ÉTIQUETTE ÉNERGÉTIQUE DU LOGEMENT, ENTRE 2025 ET 2034. DANS LE CONTEXTE FRANCILIEN D’UN MARCHÉ IMMOBILIER TENDU, UNE MEILLEURE CONNAISSANCE DE CES LOGEMENTS EST INDISPENSABLE POUR CIBLER LES ACTIONS PRIORITAIRES À METTRE EN ŒUVRE, ET AINSI MASSIFIER LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE.
Dans un contexte de forte hausse des prix de l’énergie, les performances énergétiques des logements représentent un enjeu majeur. En Île-de-France, les tensions sur le marché du logement sont fortes et pourraient encore s’amplifier si les habitations les plus énergivores du parc ne sont pas rapidement rénovées, sans quoi elles ne pourront bientôt plus être louées. En effet, la loi Climat et résilience vise la disparition des logements à faible performance énergétique. Après le gel des loyers des logements étiquetés F ou G, entré en vigueur en août 2022, des interdictions de louer s’imposeront en 2025, 2028 et 2034, frappant progressivement les logements de classe G, puis F, et enfin E. La loi Climat et résilience renforce aussi l’information sur la performance des logements en imposant la réalisation d’un audit énergétique pour chaque vente. Quantifier, localiser et caractériser les logements énergivores constituent donc des priorités afin que soient identifiés les enjeux de rénovation pour baisser les émissions de gaz à effet de serre (GES), améliorer le confort d’usage des logements et préserver l’usage résidentiel du parc existant. En 2018, l’Île-de-France compte 2,3 millions de résidences principales étiquetées E, F ou G, selon les étiquettes énergétiques en vigueur avant le 1er juillet 2021 (voir encadré « Pour comprendre »). Cela représente 20 % du parc énergivore de France métropolitaine, alors que le parc francilien dans son ensemble équivaut à 18 % du parc de France métropolitaine. En raison de son histoire et de ses caractéristiques urbaines, l’Île-de-France a un parc de logements énergivores supérieur à celui des autres régions (45% contre 40%).
FACTEURS DE FRAGILITÉ : PARC ANCIEN, PARC PRIVÉ ET PETITES SURFACES
Plusieurs facteurs caractérisent le parc de logements étiquetés E, F ou G. La période d’achèvement du logement joue un rôle prépondérant (voir Dataviz), en lien avec l’introduction progressive de réglementation thermique pour la construction des bâtiments. Avant 1974, année de la première réglementation de ce type, aucune norme n’encadrait la performance énergétique des logements construits. Ainsi, 55 % des logements achevés avant cette date sont étiquetés E, F ou G, contre 16% pour ceux construits depuis 2000. L’année 2000 a vu apparaître l’exigence de performance globale du bâtiment, suivie par des renforcements réguliers de la réglementation thermique.
Les logements de petite surface, plus fréquents dans le parc ancien, sont plus souvent énergivores que les grands logements. En effet, près des deux tiers des logements de moins de 40m² sont étiquetés E, F ou G. Toutefois, le phénomène touche aussi les grands logements, en particulier les maisons individuelles, qui sont majoritairement énergivores (51%, contre 43% pour les appartements).
Le parc privé apparaît comme le plus exposé aux enjeux de rénovation énergétique. C’est notamment le cas des locations, qui sont davantage concernées par le phénomène (55% étiquetées E, F ou G) que les logements occupés par leurs propriétaires (48%). Ces proportions relativement fortes reflètent non seulement les singularités architecturale et urbaine de ce parc plus ancien que le parc social, mais découlent aussi, pour partie, des difficultés des propriétaires et copropriétaires privés lorsqu’il s’agit de programmer et d’engager des travaux de rénovation.
LE PARC LOCATIF PRIVÉ, PREMIER IMPACTÉ PAR LA LOI
Le parc locatif privé est le plus concerné par les dispositions de la loi Climat et résilience. Au regard des performances énergétiques, sans rénovation efficace, 745 000 logements pourraient être interdits de mise en location, dont 22% dès 2025 (étiquette G), 30% en 2028 (étiquette F) et 48% à l’horizon 2034 (étiquette E). Cet important volume de logements représente 15 % de la totalité des logements occupés en Île-de-France, équivalant à près de onze années de construction, en se fondant sur l’objectif fixé par la loi relative au Grand Paris de bâtir 70 000 logements chaque année.
Cette situation s’explique d’abord par l’ancienneté des logements du parc locatif privé : 69% se concentrent dans Paris et la petite couronne, où la grande majorité (73%) date d’avant 1974, c’est-à-dire avant les premières réglementations thermiques. Paris est de loin le territoire le plus concerné, avec 265 000 logements locatifs privés classés E, F ou G, soit les deux tiers du parc locatif privé parisien.
Dans les territoires ruraux, notamment en Seine-et-Marne, les logements locatifs privés sont peu nombreux en volume mais, parce qu’ils se concentrent là aussi dans le parc ancien, présentent plus souvent de moins bonnes performances énergétiques (voir carte). Dans le Gâtinais Val de Loing, le Provinois ou le Pays de Fontainebleau, près des deux tiers des locations privées sont énergivores. À l’inverse, les logements locatifs énergivores sont moins présents dans les territoires où l’urbanisation est plus récente, comme dans les ex-villes nouvelles : ainsi, seul 38 % du parc locatif privé de la communauté d’agglomération de Val d’Europe est étiqueté E, F ou G, ou 43 % de celui de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise. En moyenne, les locataires des logements énergivores franciliens disposent de revenus inférieurs de 6,1% à ceux des autres locataires. C’est dans le parc locatif privé que les écarts de revenus entre occupants de logements énergivores et occupants de logements plus performants sont les plus importants – sauf à Paris, où l’écart est plus important parmi les propriétaires. Du reste, si près de la moitié des logements locatifs du parc privé sont occupés par des personnes vivant seules (47%), cette situation est encore plus fréquente dans les logements énergivores (52%).